On l’a tous vu. Ce post courageux sur forum ou groupe Facebook : »Bonjour, des avis pour m’améliorer ? Critique SVP ! » On peut en dire autant de ce qui suit. D’un côté, un déferlement de « Splendide ! ! ! ! ! ! » et de « J’adore ! ! ! ! ! ! » qui font chaud au cœur, mais ne permettent pas d’évoluer. De l’autre, une critique technique, froide et parfois condescendante : « Horizon penché ! Hautes lumières cramées ! C’est flou ! »
L’art de la critique photo est un exercice acrobatique. C’est la version élargie du simple compliment. Comment être honnête sans être méchant ? Comment rester enthousiaste sans verser dans la flagornerie ?
Si vous voulez vraiment aider un autre photographe, il faut dépasser le « j’aime / je n’aime pas ». Voici une manière de faire passer un simple avis pour un retour qui a de la valeur.
1. Les prérequis (Avant même d’écrire un mot)
Une bonne critique n’est pas une réaction immédiate, c’est une réflexion. Avant de commencer à écrire, prenez 30 secondes pour cadrer votre pensée.
Comprendre l’intention (ou la deviner)
On ne critique pas une photo souvenir de vacances comme on critique un portrait d’art conceptuel ou une photo de sport. La première question à se poser est : « Quel était l’objectif de l’auteur ? »
- Voulait-il documenter un moment ? (L’émotion prime sur la technique)
- Voulait-il créer une ambiance « moody » ? (On ne critiquera pas le fait que ce soit « trop sombre »)
- Voulait-il montrer la netteté de son nouvel objectif ? (On peut se concentrer sur le piqué) Si vous critiquez à contre-sens de l’intention, votre critique tombe à l’eau.
Séparer l’objectif du subjectif
C’est la règle d’or. Il y a ce qui est technique (objectif) et ce qui relève du goût (subjectif).
- Objectif : « La mise au point est sur le nez et pas sur l’œil. » « La photo est sous-exposée. » « L’horizon est penché de 2 degrés. » (Ce sont des faits)
- Subjectif : « Je n’aime pas le noir et blanc. » « Le traitement bleu est trop froid. » « Je n’aime pas ce modèle. » (Ce sont des opinions)
Votre critique doit se baser sur l’objectif. Si vous mentionnez le subjectif, présentez-le comme tel : « C’est un choix de traitement très personnel. Personnellement, je suis moins client de ces teintes, mais je comprends l’effet recherché. »
La règle de la bienveillance
Ne dites jamais en commentaire public ce que vous n’oseriez pas dire en message privé ou en face de la personne. Le but n’est pas de prouver que vous savez, mais d’aider l’autre à grandir.
2. La méthode « C.O.R. » (Le guide de la critique constructive)
Oubliez la technique du « sandwich » (Positif – Négatif – Positif) que tout le monde voit venir et qui sonne souvent faux. Adoptez plutôt la méthode C.O.R. : Contexte, Observation, Recommandation.
C = Contexte (Ce qui fonctionne)
Commencez toujours par ce qui est réussi, et soyez précis.
- Mauvais exemple : « J’aime bien. »
- Bon exemple : « Ce que j’apprécie particulièrement ici, c’est le choix de ton cadrage. La façon dont tu as utilisé les lignes du pont pour guider l’œil vers le sujet est très efficace. L’ambiance qui s’en dégage est réussie. »
O = Observation (Ce qui me questionne)
C’est le cœur de votre critique. Formulez-le comme une observation ou une question, pas comme une accusation ou un échec.
- Mauvais exemple : « Tu as complètement raté ta mise au point. »
- Bon exemple : « J’ai juste une observation : mon regard est attiré par l’arrière-plan, qui est très net et lumineux. Du coup, j’ai l’impression que le sujet principal se perd un peu. »
- Autre bon exemple : « Je remarque que le visage du modèle est légèrement dans l’ombre. Était-ce un choix délibéré pour dramatiser la scène ? »
R = Recommandation (Une piste d’amélioration)
N’imposez pas votre solution comme étant la seule vérité. Suggérez une piste, ouvrez une porte.
- Mauvais exemple : « Tu aurais dû fermer à f/2.8 et te mettre 1 mètre à gauche. »
- Bon exemple : « Peut-être qu’en te décalant légèrement pour avoir un fond plus uni, ou en utilisant un réflecteur (ou même un simple bout de carton blanc) pour déboucher l’ombre sur le visage, ton sujet ressortirait encore plus fort. Qu’en penses-tu ? »
3. Les 3 « Tue-l’amour » de la critique (Ce qu’il faut bannir)
Pour être sûr de bien faire, voici le « best of » des critiques inutiles à ne plus jamais faire.

Le « Moi, j’aurais fait… »
« Moi, j’aurais fait un noir et blanc. » « Moi, j’aurais shooté au 35 mm. » « Moi, j’aurais attendu le coucher de soleil. » La critique n’est pas un prétexte pour parler de vous. C’est sa photo, pas la vôtre. Restez concentré sur l’image proposée et ce qu’elle tente de raconter, pas sur l’image que vous auriez faite à sa place.
La critique vague
« Il manque un truc. » « C’est plat. » « C’est pas mal, mais… » Ces critiques sont un poison. Elles créent du doute chez le photographe sans lui offrir la moindre solution.
Si vous ne pouvez pas être précis (en utilisant la méthode C.O.R. par exemple), ne dites rien.
L’étalage technique
Inonder l’autre de jargon (aberrations chromatiques, piqué, plage dynamique, bruit de luminance vs. chrominance) juste pour montrer que vous savez. Si le photographe débute, votre jargon va l’intimider, pas l’aider. Adaptez votre langage. Le but est d’élever les autres, pas de s’élever au-dessus d’eux.
Conclusion
Vous l’avez compris : une bonne critique est un cadeau. Elle demande autant d’effort à celui qui la donne qu’à celui qui la reçoit. Elle est empathique, précise et toujours tournée vers la progression.
L’objectif n’est jamais d’avoir « raison » ou de gagner un débat d’experts. L’objectif est de faire grandir un autre artiste. Alors, la prochaine fois que vous verrez un « Critique SVP », prenez cinq minutes pour rédiger un vrai retour C.O.R. Vous serez la personne dont on recherche l’avis.
Et vous, quel est le meilleur conseil critique que vous ayez reçu ? Racontez-nous en commentaire ce qui l’a rendu si précieux et utile !
