Dans l’univers visuel de Florian Ruiz, la photographie devient un pont jeté entre le visible et l’invisible, entre le réel palpable et ses métamorphoses sous-jacentes.
Son œuvre, Le monde de l’invisible, révèle un triple projet au cœur du Japon, touchant à des sujets aussi variés que la catastrophe nucléaire de Fukushima, les espaces chamaniques et la légende d’Onikuma, entrelaçant chaque élément dans un tissu visuel dense et complexe.
Le Spectre de Fukushima
Au sein des paysages enneigés et silencieux de Fukushima, Florian utilise un compteur Geiger pour traquer la trace invisible de la radioactivité. Les chiffres en becquerels deviennent plus qu’une simple mesure; ils se transforment en titres pour ses photographies, enchâssant chaque image d’une gravité numérique.
Influencé par l’art des estampes japonaises, Florian Ruiz intègre un procédé numérique qui distord les paysages, matérialisant l’altération invisible de l’atome. Les images, faites de transparences et de perspectives brisées, s’animent, devenant des palimpsestes où le réel et l’irréel s’entremêlent, révélant la mutation silencieuse de la nature sous l’effet de la contamination.
Chamanisme et Mondes Flottants
Puisant dans l’animisme des sociétés traditionnelles sibériennes et japonaises, Florian explore les espaces sacrés du chamanisme sur l’île d’Hokkaido. Ces photographies captent des lieux où le profane et le sacré se superposent, où le tangible cède la place à des apparitions flottantes et indécises.
Utilisant des techniques numériques avancées, il crée des images où la nature elle-même semble vibrer d’une présence autre, un espace où le monde spirituel infuse le paysage visible, offrant un aperçu d’un au-delà qui s’entrelace subtilement avec notre réalité.
Onikuma : Traque d’une Légende
Dans les forêts enneigées de Nagano, la légende de l’Onikuma, cet ours démoniaque, guide le projet de Florian. Il entreprend une quête photographique pour capturer l’essence de cette créature mythique. À l’aide de caméras nocturnes et de la vision thermique, il superpose des images pour tenter de saisir l’éphémère passage de l’animal.
Les photographies de cette série transforment le paysage en un théâtre de l’irréel, où le fugitif et l’invisible se donnent à voir. Ces images ne sont pas seulement des captures d’un moment mais des fenêtres ouvertes sur un monde où la légende et le réel coexistent, où le mythe de l’Onikuma devient presque palpable, témoignant de la force brute et mystique de la nature.
Le travail de Florian est un dialogue continu avec l’invisible, une lutte contre la tyrannie du visible. Ses œuvres ne se contentent pas de documenter ; elles transforment le réel en une expérience visuelle qui défie nos perceptions habituelles.
À travers ses superpositions d’images et ses perspectives brisées, il offre une vision renouvelée du monde, une où le visible devient transitoire, un simple reflet sur les eaux profondes de l’invisible.
Chaque photographie est une invitation à reconsidérer notre relation avec le monde, à reconnaître les dimensions cachées qui tissent notre réalité. En fin de compte, Le monde de l’invisible est une méditation sur la frontière fluctuante entre ce qui est vu et ce qui reste énigmatique, un hommage aux mystères non résolus qui peuplent notre monde et notre imagination.
Florian Ruiz : Capturer l’Invisible et Raconter le Monde
En capturant des réalités souvent invisibles, Florian donne une voix aux sans-voix. Diplômé en droit et histoire, cet artiste français installé au Japon utilise sa formation analytique pour révéler, à travers sa photographie, les complexités sociales dissimulées.
De ses voyages aux quatre coins du monde émergent des témoignages poignants sur la condition humaine. Au Pakistan, il a offert un aperçu rare de la vie quotidienne des travailleuses du sexe, mettant en lumière leur vulnérabilité. Au Bangladesh, ses clichés des chantiers navals ont braqué les projecteurs sur le labeur et les conditions précaires des ouvriers.
En Mongolie, ses images des mines illustrent l’impact environnemental et social de l’industrialisation sur les communautés locales. Installé à Tokyo depuis 12 ans, Florian s’est aussi penché sur les conséquences de la catastrophe de Fukushima, à travers des œuvres conceptuelles évoquant la radioactivité invisible.
Régulièrement exposé à l’international, Ruiz utilise sa photographie comme une tribune pour interroger notre rapport au monde. Ses compositions poétiques et percutantes forcent notre regard sur des réalités souvent négligées. À travers son œuvre engagée, cet artiste nous invite à plus d’empathie et de conscience face aux enjeux sociétaux et environnementaux de notre époque.
Florian RUIZ Le monde de l’invisible | |
Où | Galerie SIT DOWN 4, rue Sainte Anastase 75003 Paris |
Quand | Du 4 mai au 21 septembre 2024 |
Horaires | Du mercredi au samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous. |
Info | sitdown.fr |
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